Caroline Vuillemin, directrice générale de la Fondation Hirondelle, raconte le travail journalistique de la Fondation pour que les sociétés touchées par les crimes puissent comprendre le travail de la justice internationale et de la justice transitionnelle. Cette interview est tirée de notre 12e publication "Médiation" nommée "Rendre intelligible la justice internationale et transitionnelle", disponible sur ce lien.
Quelle est l’action médiatique de la Fondation Hirondelle en matière de justice internationale depuis sa création en 1995 ?
Caroline Vuillemin: L’histoire de la Fondation Hirondelle est intimement liée au développement de la justice internationale qui, depuis le milieu des années 1990, statue sur les violations graves des droits humains. Créée à la suite du génocide des Tutsis au Rwanda, la Fondation a d’abord mis en place une radio à Bukavu (RD Congo) à destination des victimes et déplacé·e·s du génocide. Puis, dès 1996, elle a lancé l’Agence Hirondelle News dans l’immeuble du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) à Arusha (Tanzanie) afin de couvrir son actualité à l’attention des médias locaux. Hirondelle News publiait des dépêches en swahili, kinyarwanda, anglais et français, les quatre langues employées par les populations rwandaises victimes et déplacées. Elle a également formé des dizaines de journalistes africain·e·s aux spécificités de la justice internationale. La Fondation Hirondelle intervient statutairement dans des pays traversés par des crises graves et ses médias ont fait connaître au public les processus de juridictions internationales de leur pays : Radio Blue Sky au Kosovo (1999-2000), Radio Ndeke Luka en République centrafricaine (RCA), Radio Okapi puis Studio Hirondelle en RDC. Pour rendre accessible une justice internationale à la fois très technique et éloignée géographiquement (La Haye aux Pays-Bas), nous avons mis un point d’honneur à la vulgarisation dans la langue de nos auditeur·rice·s et à la prise de parole des populations qui sont les premières concernées. Nous avons également développé un partenariat avec la CPI lorsqu’elle enquêtait sur les crimes commis en RD Congo et en Centrafrique, afin que celle-ci puisse prendre la parole dans nos médias radiophoniques, expliquer ses missions au plus grand nombre et identifier des journalistes locaux avec qui travailler.
Pourquoi la Fondation Hirondelle s’est-elle intéressée à ces questions ?
Créée à la suite d’un génocide, la Fondation Hirondelle a mis la dignité humaine au cœur de sa devise (Media for peace and human dignity) comme de son action. Après de tels crimes, il existe peu de moyens de redonner de la dignité aux victimes et à l’ensemble des parties prenantes. La justice peut y contribuer en nommant les violences, en reconnaissant les crimes, en condamnant les principaux responsables et en aménageant d’éventuelles réparations. Le journalisme permet de faire connaître ce travail. Il est l’intermédiaire, le dernier kilomètre entre un processus judiciaire souvent très complexe et la population.
La justice internationale a beaucoup évolué depuis trente ans. Quelles sont les priorités de la Fondation Hirondelle aujourd’hui sur ce sujet ?
La priorité de la Fondation Hirondelle, c’est de répondre aux besoins des populations. Lors de la fermeture du TPIR fin 2015, nous nous sommes demandé que faire de notre expérience médiatique accumulée en matière de justice internationale et de droits humains. Nous avons alors créé un nouveau média, Justice Info, qui s’intéresse non seulement à la justice pénale internationale mais aussi à l’ensemble des processus dits de « justice transitionnelle » plus axés sur les notions de vérité, de mémoire, de réparation et de non-répétition. Contrairement aux tribunaux internationaux, ces processus permettent aux populations de dialoguer et de construire un avenir commun. Par la médiatisation, nous faisons en sorte que les populations soient actrices de ces processus. Nous assurons le lien.