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Déchets sur le fleuve Niger à Niamey. Déchets sur le fleuve Niger à Niamey.

Au Niger, traiter les déchets plastiques pour lutter contre le réchauffement climatique

Niamey, la capitale du Niger rejette près de 320 000 tonnes de déchets par an, dont 16 000 tonnes de matières plastiques. Outre la simple notion d'insalubrité, lutter contre la pollution des déchets plastiques est une priorité pour l'atténuation des Gaz à effet de serre. A l'occasion de notre Opération spéciale sur la COP 23 à Bonn, nous republions ce reportage multimédia réalisé en Novembre 2016 lors du précédent sommet international sur le climat par un journaliste de Studio Kalangou, notre programme d'information au Niger.

Le sachet plastique est désormais solidement ancré dans les habitudes de consommation au Niger. Un simple achat de quelques dizaines de francs donne droit à un ou plusieurs emballages. Condiments, nourriture, boissons, tout est emballé dans des sachets plastiques non biodégradables que les utilisateurs jettent dans la rue après avoir consommé. Les déchets continuent d'envahir les rues et les cours d'eau pour s'agglomérer autour des voies d'assainissement, ou se voir transportés par le vent et charriés par le ruissèlement des eaux des caniveaux.​

Un sachet plastique met plus de 450 ans avant de se dégrader complètement. Durant cette période, il aura pollué les sols et les nappes d'eau par infiltration. Il aura également empêché l'infiltration naturelle de l'eau dans les sols, et bouché toutes les voies d'assainissement et les caniveaux, en favorisant ainsi les inondations et les foyers épidémiques.Les déchets plastiques favorisent également les risques de maladie respiratoire pour l'homme, d’asphyxie de la faune et de la flore aquatiques, ainsi que la réduction de la circulation de l’air et de la lumière  solaire, empêchant ainsi la reproduction des espèces aquatiques.

L’impact des déchets sur le changement climatique au niveau mondial serait équivalent à celui de l’aviation civile, c’est-à-dire environ 4%. Ce pourcentage pourrait atteindre 15 à 20% d'ici 2050. Valuing Plastic (Valoriser le plastique), un rapport appuyé par le PNUE et produit par Plastic Disclosure Project (PDP) et Trucost, estime que le coût global de l'utilisation du  plastique dans le secteur des biens de consommation est de 75 milliards de dollars par an - avec un impact financier à long terme sur la pollution de l'environnement marin et la pollution de l'air causée par l'incinération du plastique

Comment gérer ces déchets ?  Malgré l'élaboration d'une stratégie nationale de gestion ambitieuse instaurée depuis 2006, les autorités peinent à lutter efficacement contre les habitudes prises par les citoyens, l'ampleur du phénomène, et le manque de moyens pour collecter et traiter les déchets. Les services de collecte se contentent d'essayer de les évacuer vers des zones périurbaines.

Des entreprises privées s'implantent aujourd'hui pour introduire de nouvelles solutions et augmenter les capacités de recyclage de ces déchets plastiques. Une fois traités et transformés, les déchets deviennent une matière première pour produire de nouveaux biens de consommation à faible coût.

​L'entreprise La Nigérienne de recyclage des déchets plastiques et organiques, implantée à Niamey depuis 2013, traite plus de 180 tonnes par an de déchets, qu'elle transforme pour la consommation locale ou pour l'exportation. Après tri, les déchets plastiques sont transformés en granulés prêts à être reconditionnés. les déchets organiques sont transformés en charbon propre qui peut remplacer le charbon obtenu par carbonisation de bois. L'entreprise emploie une vingtaine de personnes.

Ecoutez ce reportage sur Sahabi Issoufou, Directeur général de cette entreprise :


Malgré son caractère innovant, l'entreprise peine à trouver un modèle économique viable. Sahabi Issoufou regrette que les pouvoirs publics n'encouragent pas davantage l'économie verte et le principe d'entreprise responsable qui réussit pourtant le pari de trouver des solutions locales à des problèmes d'intérêt général, en luttant contre la dégradation de l'environnement et le réchauffement climatique, tout en étant créatrices d'emploi. "Il faudrait qu’on nous soutienne. Ce travail contribue à assainir la ville et à donner du travail au jeunes. Il y a plein de choses qu’on peut faire avec les déchets plastiques et organiques. Il faudrait que les autorités nous facilitent l'accès à des financements d'aide et qu'elles soutiennent la création d'emplois verts".

​L'entreprise ambitionne, à moyen terme, de créer un centre de formation aux technique de recyclage des déchets plastiques et organiques, de créer un atelier de conception des machines de recyclages, et d'implanter des centres de traitements de déchets sur l'ensemble du territoire.

POUR ALLER PLUS LOIN


L’impact des déchets sur le changement climatique au niveau mondial serait équivalent à celui de l’aviation civile, c’est-à-dire environ 4%. Ce pourcentage pourrait atteindre 15 à 20% d'ici 2050. Mais ce chiffre est loin du compte selon les associations Zero Waste et ACR+ qui propose un nouveau mode de calcul. "La partie "déchets" des inventaires nationaux de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) ne prend pas en compte la plupart des émissions de ce secteur. Elle se concentre principalement sur les émissions de méthane des "décharges". Or, certains déchets sont réutilisés par les industries qui les produisent. Ils sortent dès lors de la catégorie "déchets" pour intégrer les sections des transports, des énergies, de l’industrie ou de l’agriculture. Le GIEC considère leur empreinte carbone comme "neutre" dès qu’ils sont réutilisés par recyclage, méthanisation, compostage ou par incinération. Ce présupposé conduit la valorisation énergétique à bénéficier d’un statut d’ énergie renouvelable, lui permettant d’être prise en compte comme un "bénéfice", alors même qu’elle contribue aux changements climatiques", souligne Zero waste. 

L'impact provient majoritairement du méthane généré par les fractions organiques des ordures ménagères qui se décomposent en conditions anaérobies, dans les décharges à ciel ouvert identiques à celles qui existent dans la plupart des pays en développement.

Principale technique dénoncée : l'incinération. Plus facile à mettre en œuvre et surtout productrice d’énergie, l'incinération est en concurrence avec d’autres méthodes de gestion des déchets, certes moins rentables sur le moment mais plus productives à long terme, comme la prévention ou le recyclage. Ainsi, les incinérateurs, qui doivent fonctionner à capacité constante pendant toute leur durée de vie, créent un effet d'inertie et empêchent certaines collectivités de recourir à des activités moins polluantes. Les deux associations mettent également en garde contre les politiques de soutien à l'énergie biomasse issue des déchets, pourtant poussées par le GIEC, puisque la combustion de la biomasse est considérée comme étant neutre en carbone. Si l’on prend le cas du plastique destiné à l’emballage par exemple, il serait plus judicieux d’inciter les entreprises à réduire leur utilisation plutôt que de favoriser son recyclage : 1 tonne de plastique économisée permettrait en effet d’éviter l’émission de 3 tonnes CO2 équivalent contre 500 kg CO2 équivalent si elle était recyclée.

Ce long format multimédia a été réalisé en Novembre 2016 à l'occasion de la couverture de la COP22, sommet international sur le climat, à Marrakech, par la Fondation Hirondelle.