Fin novembre, dix correspondant·e·s de Justice Info, le média de la Fondation Hirondelle sur la justice internationale, étaient à Genève pour partager leurs expériences de terrain lors d’une conférence sur le thème de « la justice face au désordre du monde ».
Lors de cet événement, l’Ukraine et la Colombie, deux territoires majeurs dans l’actualité de Justice Info, étaient représentés par Serhii Andrushko, conseiller pour son réseau de correspondants en Ukraine, et Andrés Bermúdez Liévano, correspondant en Colombie. Deux pays où la justice est active.
Serhii a souligné les conditions dans lesquelles les journalistes se sont retrouvés : « Des premiers procès ont eu lieu seulement quelques mois après le début de la guerre, alors que les chars étaient encore là ». Cela pose un défi pour ces professionnels : « Je pense que pour certains journalistes ça peut être un moment difficile, de couvrir un procès de façon équitable », car presque tous ont été témoins de crimes de guerre. Bien que les journalistes veuillent rester objectifs, « la situation a son impact », dit-il. En Colombie, modèle « complet » de déploiement de l’arsenal de la justice transitionnelle, avec une commission vérité, un tribunal spécial, une prise en charge des réparations et des disparations, Andrès a observé que, dans ce contexte où tout un chacun est concerné, « de plus en plus de personnes en Colombie demandent de plus en plus d'informations sur les processus de justice et de paix ».
Mais dans d’autres zones du monde, la justice est plus en peine. C’est le cas de la Tunisie, de la Gambie ou du Mali, représentés respectivement par Olfa Belhassine, Mariam Sankanu et Boubacar Sidiki Haidara. Ces correspondants pour Justice Info travaillent dans trois pays où des commissions vérité ont fonctionné un temps, et où le momentum est retombé. Dans le cas de la Tunisie, la commission, arrivée peu après la révolution de 2010, a donné la parole aux victimes pour ensuite les oublier, a souligné Olfa, qui parle d’un « grand mensonge de l’Etat ». Mariam a décrit une situation similaire en Gambie, où une commission, très suivie des populations, n’a pas été suivie des autorités une fois son mandat achevé. Boubacar, quant à lui, est revenu sur le cas du Mali où la commission n’a jamais rempli ses promesses et où, par ailleurs, la Cour pénale internationale a distribué des réparations. Leurs montants, jugés dérisoires, ont suscité l’incompréhension. Selon lui, au vu du contexte politique, « le processus de justice transitionnel au Mali est au point mort, sûrement pour plusieurs années ».
Janet H. Anderson, correspondante à La Haye, où siègent plusieurs tribunaux internationaux dont la Cour pénale internationale (CPI), a raconté comment cette justice se trouve aux carrefours des tensions Est-Ouest et Nord-Sud. Elle a décrit une CPI sollicitée de toutes parts, et face à l’urgence des conflits en Ukraine et en Palestine en particulier, mais qui après plus de vingt années d’existence n’est pas parvenue à faire condamner un seul responsable étatique. De plus, pour elle, les procès conduits loin des victimes, peuvent également être source de difficultés pour celles-ci.
Mais le champ de la justice transitionnelle est riche et s’étend bien au-delà pour Justice Info des conflits en cours ou des situations d’après-guerre ou d’après dictature. La conférence a mis en lumière la question de la restitution des biens culturels et de réparation postcoloniale avec Rachida Houssou, correspondante au Bénin. Elle a raconté ce jour de novembre 2021 où 26 œuvres sont revenues de France suscitant la joie et attirant les foules dans la capitale Cotonou. Deux ans plus tard, les œuvres sont malheureusement toujours dans les caisses, la construction du musée ayant pris beaucoup de retard. Toutefois, elle souligne que pour les populations béninoises, le plus important est que ces œuvres soient rentrées au pays.
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