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Deux hommes déplacés écoutent la radio dans un abri à Danai, au nord du Myanmar. ©Ye Aung Thu / AFP Deux hommes déplacés écoutent la radio dans un abri à Danai, au nord du Myanmar.

DOH ATHAN : UN PODCAST SUR LES DROITS HUMAINS QUI PERSISTE, MÊME EN EXIL

Zar Ni est reporter pour Doh Athan « Nos voix », un podcast hebdomadaire de 10 minutes produit et diffusé par la Fondation Hirondelle et Frontier Myanmar. Doh Athan couvre les questions relatives aux droits humains au Myanmar. Après le coup d’État de 2021, l’équipe a dû quitter le pays et travaille désormais depuis la Thaïlande. Cette interview est tirée du 13ème numéro du Médiation nommé "Structurer le journalisme en exil dans un monde plus autoritaire", que vous retrouverez ici

À l’origine, Doh Athan était produit au Myanmar, pourquoi avez-vous dû partir du pays ? 

Zar Ni : L’événement déclencheur a été le coup d’État en février 2021. À ce moment-là, je travaillais déjà comme reporter à Doh Athan « Nos voix ». La brutalité s’est alors abattue sur les entreprises médiatiques au Myanmar. Des officiers ont perquisitionné, et même arrêté, certaines personnes qui travaillaient dans les médias. Ce coup d’État nous a posé de sérieux problèmes. Mes voisins directs étaient une famille de militaires et l’école en face de chez nous était occupée par des soldats. Je ne pouvais plus utiliser internet chez moi et, durant plusieurs mois, j’ai dû travailler de nuit, au bureau de mon père. La situation devenait de plus en plus difficile. En continuant mon travail en tant que reporter, je me mettais moi-même et ma famille en danger. J'ai dû m'exiler en Thaïlande avec le reste de l'équipe, comme la grande majorité des journalistes birmans. La plupart ont fui après le coup d'État de 2021.

Cela fait maintenant deux ans que vous êtes loin de votre famille. Qu'est-ce qui vous motive à poursuivre votre travail de journaliste malgré les sacrifices ?

Après le coup d'État de 2021, la plupart de mes amis se battaient pour la démocratie. À cette époque, je me demandais si le journalisme servait encore au pays. L'un de mes collègues, plus jeune que moi et n'exerçant pas le métier de journaliste, m'a demandé une interview avant mon départ. Je lui ai répondu que je ne voulais plus travailler en tant que journaliste : « Mes histoires sont-elles utiles au pays ou non ? » Il m'a répondu : « Vous faites un excellent travail, vous écrivez l'histoire. » Lorsque j'ai entendu cela, j'ai pensé que je devais continuer mon travail en tant que journaliste, écrire l'histoire, m'assurer qu'elle est exacte, sans parti pris. Chaque fois que nous produisons une histoire, elle doit être exacte et non biaisée, et nous devons enregistrer l'histoire de manière claire. À partir de ce moment-là, je me suis principalement concentrée sur mon rôle de journaliste indépendante, en m’intéressant aux gens.

Quels sont les principaux défis à relever lorsqu’on écrit depuis l'extérieur ?

L'un des défis du travail en exil est la confiance. Au début, je me suis surtout appuyée sur mes contacts personnels. Mais, plus le temps passe, plus ils déménagent ou ont peur de s’exprimer. Je dois aussi parfois cacher ma profession pour ne pas mettre ma famille en danger. Travailler aujourd’hui pour Doh Athan représente un vrai avantage. L'émission a remporté le Human RightsPress Award, ce qui inspire confiance. Le bouche-à-oreille nous permet de maintenir le contact avec la population locale, y compris les plus vulnérables comme les Rohingyas. Nous faisons de notre mieux, mais nous ne pouvons évidemment pas travailler comme nous le faisions avant le coup d'État.

Au Myanmar, les gens utilisent principalement Facebook pour s'informer, même si YouTube, Telegram et la radio constituent des alternatives. Le compte Facebook Doh Athan atteint 120 000 followers. Les gens écoutent également notre émission sur Voice of America, diffusée à des millions d'auditeur·rice·s dans tout le pays. D'après les statistiques de Facebook, les jeunes personnes habitant en ville suivent particulièrement le podcast.

Comment assurez-vous la viabilité financière et la durabilité du podcast Doh Athan ?

Les médias en exil dépendent de financements extérieurs. Malheureusement, au Myanmar, ce financement diminue car le pays devient peu à peu une crise oubliée et le rôle des médias dans la prévention des conflits n'est pas pris au sérieux. Doh Athan est unique dans ses productions. Alors que d'autres organes d'information relatent les événements politiques, Doh Athan met en avant les histoires de personnes ordinaires et les violations des droits humains qui s'aggravent d'année en année. Des programmes comme le nôtre permettent aux populations locales d'exprimer leurs opinions et de recevoir des informations provenant de sources fiables.