Un atelier sur la communication au service des communautés affectées par les crises humanitaires a été organisé à Niamey fin février. Il a été mis en place par Jackie Dalton, notre responsable du programme humanitaire, qui explique l'importance d'améliorer la collaboration entre les médias et les acteurs humanitaires.
Quelles sont les caractéristiques du journalisme au service du public en situation de crise humanitaire ?
Il s’agit d’une pratique constructive du journalisme qui va au-delà de la pratique conventionnelle. Traditionnellement dans la couverture des crises, les médias expliquent la situation, parlent des problèmes, parfois des besoins, mais n’ont pas tendance à se pencher sur les solutions. L'idée est d'adopter une approche plus globale, qui consiste à explorer les solutions, ou du moins les stratégies d'adaptation que les communautés peuvent adopter, au lieu de se limiter aux problèmes. Les médias ont la capacité d'atteindre les gens rapidement, même dans les zones reculées où l'accès est limité. L'information peut sauver des vies et doit être considérée comme une composante à part entière de l'aide humanitaire.
Une approche constructive implique d'expliquer la réalité de la situation avec précision et sensibilité (sans sensationnalisme !). Pour cela, le travail doit être fait pour les populations et non sur les populations. Il s'agit de faire la différence entre décrire une situation de crise et parler aux gens en partageant des informations pertinentes et utiles pour les personnes impactées. Par exemple, en présentant les ressources disponibles pour ces populations, comme les zones dans lesquelles les acteurs humanitaires peuvent agir. C'est une approche qui se concentre sur des solutions concrètes pour la population, dans le but de la calmer et de l'aider à gérer sa situation.
Quelle est l’approche de la Fondation Hirondelle au sujet du rôle des médias lors de crises humanitaires ?
Depuis sa création en 1995, la Fondation Hirondelle travaille dans des contextes de crises humanitaires, cherchant à fournir des informations fiables et à créer des espaces de dialogue public, afin de contribuer à des sociétés pacifiques et stables. Nous nous attachons également de plus en plus à répondre aux besoins immédiats et concrets des populations en matière d'information humanitaire. Le programme qui a été mis en place pour les réfugiés Rohingyas au Bangladesh est un exemple de cette évolution. Tout comme le projet Faso Yafa, lancé au Burkina Faso avec Studio Yafa.
Pourquoi un atelier sur le journalisme au service du public en situation de crise humanitaire était-il pertinent au Niger ?
Les rapports du gouvernement du Niger et des Nations Unies indiquent que cette année, le pays sera dans une situation catastrophique. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), 3,7 millions de personnes auront besoin d’une assistance humanitaire au Niger, ce qui équivaut à 15% de la population. Les indicateurs montrent que la situation se détériore rapidement. Les crises sécuritaire et alimentaire sont intimement liées à la violence, aux déplacements et aux impacts du changement climatique. Nous avons pensé que c'était le bon moment pour proposer un tel atelier.
Des journalistes, des acteurs étatiques et humanitaires ont pris part à cet évènement. Pourquoi s’adresser à tous ces acteurs en une seule fois ?
Afin de fournir des informations utiles à la population, ces acteurs doivent travailler ensemble. Les acteurs humanitaires (y compris les intervenants gouvernementaux) disposent de spécialistes qui savent quels conseils donner à la population sur des questions humanitaires spécifiques. Les journalistes doivent faire appel à ces experts pour obtenir des informations fiables.
Un des défis est que lorsque les acteurs humanitaires travaillent avec les médias, c'est souvent dans le but de promouvoir leur travail ou de souligner les besoins humanitaires, notamment pour s’aider à lever des fonds. L'idée est d'essayer de revoir cette approche afin que lorsqu'ils collaborent avec les médias locaux, ils pensent également à partager des informations utiles avec la population, par exemple des informations sur les services qu'ils fournissent et comment y accéder, ou les mesures que les gens peuvent prendre pour rester en bonne santé et en sécurité en l'absence de tels services.
L’enjeu n’est pas seulement de diffuser des informations. Le retour et les réactions de la communauté sont également cruciaux. Il est important d’être à l’écoute, de laisser les gens poser des questions, de partager des solutions, d’exposer ce qui ne va pas et de demander des comptes aux autorités. Donner une voix à ces gens ordinaires est un principe clé, qui a toujours été au cœur du travail de la Fondation Hirondelle. Il est aussi important de ne pas oublier les plus vulnérables, comme les gens en situation de handicap ou les enfants, qui sont particulièrement fragiles.
Quelle a été la réception de cet atelier chez les participants ?
D’abord, ils étaient contents de faire connaissance. Tous ont reconnu un problème de confiance dans l’échange d’information. Mais surtout, ils ont réalisé qu’ils partageaient le même objectif. Le rôle des médias est d’être au service de la population. C’est également le cas pour les acteurs humanitaires. De plus, les journalistes et les travailleurs humanitaires ont pour objectif d'agir selon les principes d'indépendance, d'impartialité et de neutralité. Cet atelier a permis de comprendre que les buts de ces secteurs sont alignés et qu'il est contre-productif de s'opposer constamment les uns aux autres. Cela ne signifie pas que les médias ne doivent pas rendre compte des faiblesses et des échecs des réponses humanitaires, mais que tout le monde a à gagner d'un certain degré de collaboration, y compris les populations en crise, qui auront accès à des informations plus utiles et opportunes.
Le caractère pratique de l'atelier a également été apprécié. Nous avons exploré les besoins d'information humanitaire liés à la crise qui se déroule actuellement et développé des idées de programmes radio en fonction de ces besoins. Au cœur de cette approche réside l'idée de se mettre à la place de la population. Lorsque nous nous adressons à notre public, nous devons garder à l'esprit que les médias ne s'adressent pas seulement aux élites, mais surtout aux gens ordinaires, dont beaucoup vivent des situations très difficiles. Nous devons nous rappeler qu'il est important de se mettre à leur place et de se poser la question : de quelles informations ont-ils besoin ?