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« Ne rien lâcher » pour sauver le journalisme indépendant

« Ne rien lâcher » pour sauver le journalisme indépendant

Les pays du Sahel, une région d'Afrique de l'Ouest confrontée à de nombreux défis sécuritaires et de développement, font face à des obstacles importants dans le domaine des médias. Les pays concernés sont le Mali, le Niger et le Burkina Faso, tous dirigés par des autorités ayant accédé au pouvoir par un coup d’état. Cet espace sahélien est actuellement un lieu de compétition internationale et de lutte géostratégique. La région est en effet un exemple parfait de la polycrise qui affecte les journalistes et les médias locaux en les confrontant à de multiples défis.

Parmi ces défis, le rétrécissement de l'espace civique et l'insécurité croissante pour les journalistes. RSF a lancé l’alerte il y a plus d’un an : « la bande sahélienne est en train de devenir une zone de non-information libre où le traitement de l'information patriotique a pris le pas sur un journalisme indépendant et de qualité ». Dans ces trois pays marqués par des coups d'Etat et en proie aux attaques jihadistes, les "convocations, réquisitions, et détentions" de journalistes critiques du pouvoir ont « un objectif : installer un climat de peur et pousser à l'auto-censure ». Les médias internationaux ont été écartés du terrain, leur diffusion suspendue, et leurs correspondants étrangers contraints au départ, parfois expulsés par les autorités.

C’est sur ce terrain difficile que la Fondation Hirondelle a choisi d’opérer et de rester, là où de nombreux acteurs ont opéré un retrait. Studio Tamani existe depuis 10 ans au Mali. Au Niger, Studio Kalangou a été lancé en 2016. Studio Yafa à Ouagadougou existe depuis 2018. Ces médias fournissent des informations et des espaces de dialogues sur la vie socio-économique et politique du pays, en produisant et diffusant des programmes radio en 12 langues à plus de 7 millions de personnes quotidiennement, à travers un réseau de 202 radios partenaires. Il s’agit ici de médias qui restent d’utilité vitale, pratiquant un journalisme d’intérêt général, base de leur charte éditoriale, et qui constituent le dernier maillon du lien social par les nouvelles qu’ils apportent et les services qu’ils rendent.  Un grand merci aux différentes rédactions de la FH au Sahel, à ces vaillantes équipes, constamment au front de l’information juste, crédible, utile, et non partisane. Vous êtes un des derniers refuges du service public dans la région.

Il ne faut surtout rien lâcher. Même dans ce contexte de conflit, les médias de la FH et ceux qu’elle soutient, restent essentiels. Ils ont besoin d’être soutenus, un soutien à inscrire dans la durée. En effet, c’est d’un appui à long terme des médias qu’il s’agit, d’une vision du secteur comme d’un secteur clé pour la société qui doit être là avant, pendant et après les crises.

La viabilité financière des médias indépendants est le grand enjeu de notre continent. Songeons aux conséquences désastreuses d’une éventuelle désaffection des partenaires au développement : si ces partenaires se retirent du soutien aux médias, plusieurs puissances internationales sont déjà prêtes à prendre le relais. Les propositions de médias étrangers pour des partenariats afin de diffuser de contenus conjoints sur les réseaux sociaux se multiplient. Les studios de la Fondation Hirondelle déclinent ces offres pour rester indépendants. Mais de nombreux médias locaux en difficulté financière seront tentés de l’accepter.

Martin Faye