Depuis sa création il y a 25 ans, la Fondation Hirondelle a développé 23 médias ou programmes d’information dans 22 pays confrontés à des crises majeures : RD Congo, République centrafricaine, Mali, Myanmar, Madagascar... Caroline Vuillemin, directrice générale, revient sur cette histoire et son actualité. Interview réalisée pour le 5ème numéro de notre publication semestrielle "Médiation", consacrée au rôle vital du journalisme en temps de crise.
Quel impact la crise du Covid-19 a-t-elle eu sur l’activité de la Fondation Hirondelle ?
Caroline Vuillemin : Concernant le Covid-19, comme dans toutes les autres crises, nos recommandations à nos rédactions ont d’abord été de ne parler que des faits, et d’aller aux sources : y a-t-il des cas recensés dans tel ou tel pays ? que disent l’OMS et les autorités sanitaires dans les pays concernés ? Puis dès la mi-mars, un strict respect des mesures de prévention a été assuré dans nos productions de studio comme sur le terrain : distanciation, lavage de mains régulier, port de masque lorsque possible, lavage des bonnettes de micros…. Des conseils en ce sens ont été donnés à nos médias partenaires. Nous avons enfin développé des programmes spécifiques pour lutter contre les infox et rumeurs autour de la pandémie, mais aussi des programmes de service aux populations comme des leçons radiophoniques de calcul et de lecture pour les enfants confinés chez eux en RCA.
Quels sont pour vous les grands principes du journalisme en contexte de crise ?
La Fondation Hirondelle essaie de se tenir à trois principes : transparence, confiance, inclusion. Transparence : nous faisons du journalisme. C’est-à-dire que nous travaillons à partir de techniques et d’une éthique journalistiques qui mettent en avant les faits plutôt que les opinions, et qui vérifient les sources. Nous disons de façon transparente qui nous sommes, comment nous sommes financés, quelle est notre vision éditoriale. Confiance : ce lien de confiance indispensable à la crédibilité d’un média et donc à son impact, nous le créons sur la durée, en étant utile à nos audiences tous les jours. En RCA par exemple, des auditeurs nous disent : « Tous les matins, à 8h, j’allume ma radio, vous êtes là, malgré la guerre je peux compter sur vous ». Avec constance, notre média Radio Ndeke Luka, qui vient de fêter son 20e anniversaire, permet à la population centrafricaine de suivre et comprendre ce qui se passe dans son pays. Inclusion : dans des sociétés fragilisées, sortant parfois d’un conflit politique ou ethnique, nous voulons donner la capacité à tous de se reparler et de se réentendre. Cela commence par la rédaction, qui doit être représentative de l’ensemble de la société. Au Niger, où plus de 50 % de la population a moins de 30 ans mais où cette jeunesse est très peu représentée parmi les décideurs, notre média Studio Kalangou développe une émission programmée par des jeunes et pour les jeunes afin que ceux-ci puissent exister socialement. Autre exemple, en RD Congo notre rédaction du Studio Hirondelle RDC a produit une série de reportages pour recueillir les témoignages de très jeunes femmes ayant eu à subir des mariages précoces, sujet tabou dans ce pays. Oser en parler, faire un magazine sur ce sujet, le faire diffuser par plus d’une centaine de médias partenaires, c’est ce rôle social des médias que nous mettons en œuvre.
Transparence, confiance, inclusion :
trois principes qui guident notre action
La Fondation Hirondelle fait du journalisme en contexte de crise depuis 1995. Qu’est ce qui fait écho dans cette expérience à la crise globale actuelle ?
Le besoin vital d’information, pour des populations démunies face à des crises majeures, c’est le « credo » de la Fondation Hirondelle depuis sa création. L’information est un bien de première nécessité. Cette conviction, nous la défendons au quotidien avec nos journalistes et partenaires sur le terrain, comme de nombreux médias la défendent à travers le monde. La crise du Coronavirus souligne la fonction sociale du journalisme, que nous nous efforçons de mettre en œuvre sur la durée.