Radio Okapi, la radio des Nations Unies en République démocratique du Congo, fête ses 20 ans ce vendredi 25 février. Elle a été créée en 2002 dans le cadre d’un partenariat avec la Fondation Hirondelle, qui l’a cogérée avec la Mission de maintien de la paix de l’ONU jusqu’en 2014. Interview croisée avec notre Directrice, Caroline Vuillemin, et le Chef du service Radio Okapi pour la MONUSCO, Etienne Rougerie.
Le 25 février 2002, les premiers programmes de Radio Okapi étaient diffusés en République démocratique du Congo. Un projet conjoint des Nations Unies à travers la Mission de l’Organisation des Nations Unies au Congo (MONUC) et la Fondation Hirondelle, qui a participé à sa création, sa cogestion, son développement et la formation des équipes de 2002 à 2014. Cette collaboration a permis l’émergence de l’une des plus grandes radios d’Afrique francophone, qui est aujourd’hui à l’honneur pour ses 20 ans. Depuis la fin du partenariat il y a 8 ans, la Fondation Hirondelle est par ailleurs restée active en RDC.
À l’occasion de l’anniversaire de Radio Okapi, nous proposons un entretien croisé avec notre directrice Caroline Vuillemin, qui a vécu les débuts de ce projet ambitieux et l’a accompagné durant de nombreuses années, et avec Etienne Rougerie, qui a accompagné pendant plusieurs années le développement de la rédaction et qui est aujourd’hui le Chef du service Radio Okapi pour la MONUSCO (Mission de l’ONU pour la stabilisation du Congo).
Quel est votre message pour cet anniversaire, et comment décririez-vous Radio Okapi en quelques mots ?
Caroline Vuillemin : Tout d’abord un joyeux anniversaire et mes félicitations pour ces 20 ans ! Quand le 25 février 2002, au même moment que le Dialogue inter-congolais à Sun City en Afrique du Sud, commençaient les émissions et la diffusion aux 4 coins de la RDC, personne ne pensait que Radio Okapi allait devenir le média de référence et un élément du quotidien des Congolaises et des Congolais, « leur radio » comme ils l’ont si souvent dit à l’antenne et lors des sondages d’audience. Bravo donc à toutes celles et tous ceux qui l’ont fait et y travaillent encore, et merci au public pour sa confiance et sa fidélité.
Etienne Rougerie : Après 20 ans d’existence, Radio Okapi c’est le premier, et presque le seul média national, grâce à son réseau de 42 émetteurs FM et aux radios communautaires qui rediffusent gracieusement ses programmes. Le second réseau FM c’est RFI avec 9 émetteurs. Radio Okapi, c’est aussi le premier site internet et la première page Facebook d’information du pays. Rien que sur le portail téléphonique Vodacom sur lequel nous sommes arrivés récemment, Radio Okapi c’est plus de 100 000 heures de programmes écoutés par mois, majoritairement en langues nationales.
Quelle est votre analyse sur le rôle de Radio Okapi depuis 20 ans dans le paysage médiatique congolais ?
Etienne Rougerie : Radio Okapi joue un rôle important de soutien aux médias congolais. Nous sommes souvent la seule source d’information nationale dans un pays où les médias sont surtout locaux. Nos informations sont beaucoup reprises, ce qui aide ces médias à dépasser la vision locale des enjeux de l’actualité. En osant traiter des sujets délicats, nous ouvrons la voie aux consœurs et confrères. Nous sommes fiers de voir nos formats d’émissions adaptés par les radios de différentes villes du pays.
Caroline Vuillemin : Radio Okapi a joué et continue de jouer un rôle unique dans le paysage médiatique congolais. Sa spécificité tient en grande partie à sa création, un partenariat entre le Département de Maintien de la Paix des Nations Unies et la Fondation Hirondelle, pour la mise en œuvre d’une radio indépendante, au service de la population et de la paix, accessible sur tout le territoire. Ce modèle était unique à l’époque, et le reste encore. Seule la combinaison des moyens et de la volonté politique des Nations Unies et le savoir-faire journalistique et médiatique de la Fondation Hirondelle, avec le soutien précieux des pays donateurs, permettaient de couvrir ce pays-continent, de travailler en 5 langues et de donner la parole aux sans-voix. Même si ce partenariat s’est arrêté en 2014, les fondamentaux marquent encore la radio.
Il a souvent été dit que Radio Okapi dans ses premières années a réunifié le pays par les ondes et je crois que c’est l’un de ses plus grands succès. L’autre apport majeur a été de mettre le dialogue et le débat à la portée de tous, notamment avec l’émission phare « Dialogue entre Congolais », qui reste un modèle du genre. Politiciens, généraux de l’armée, représentants de la société civile, artistes, tout le monde est venu et vient s’y exprimer dans le respect du débat équilibré et constructif. Cette culture du dialogue est une valeur fondamentale de la Fondation Hirondelle comme des Nations Unies, et elle reste essentielle aujourd’hui pour la consolidation de la paix et le développement de la RDC.
Quelles sont les perspectives pour Radio Okapi après 20 ans ?
Etienne Rougerie : Radio Okapi doit évoluer. Les 20 dernières années étaient dominées par les enjeux sécuritaires. L’amélioration progressive de la stabilité du pays change les priorités : le développement devient enfin le sujet central. Nous travaillons à nouer de nouveaux partenariats pour y répondre. Par exemple, l’UNICEF a souhaité nous aider à développer un nouveau réseau FM ciblant spécifiquement les jeunes. Ce projet se nomme Bana Okapi.
Le Conseil de Sécurité des Nations Unies, dans sa résolution 2612 de décembre dernier, invite Radio Okapi et ses partenaires potentiels à réfléchir à un avenir après le départ de la MONUSCO, de manière à faire perdurer un outil qui s’est démontré indispensable à la paix et au développement de la RDC.
Caroline Vuillemin : Le secteur médiatique congolais a beaucoup changé depuis 2002, il s’est diversifié et enrichi avec de nombreux acteurs. Mais il reste fragile et la population a besoin de médias indépendants, de référence et de portée nationale, au service de l’intérêt général. C’est la mission que doit continuer de remplir Radio Okapi.