Dans son nouveau livre "Radio Okapi Kindu", Jennifer Bakody raconte l'histoire de son travail avec l'équipe de Radio Okapi à Kindu en 2004, à un moment crucial de l'histoire congolaise juste avant les premières élections démocratiques du pays. L'histoire vraie de journalistes dédiés malgré les risques et les difficultés à l'information d'une population confrontée à de multiples crises. Notre entretien avec Jennifer Bakody :
Qu'est ce qui pousse une jeune journaliste occidentale à partir au coeur de la RDC dans une aventure comme celle de Radio Okapi Kindu ?
Jennifer Bakody : Avant de partir en RDC, j’avais eu l’opportunité de travailler pour Radio France Internationale et j’avais conscience de la situation du pays et des défis du métier de journaliste en ces temps si particuliers. Je comprenais, sans doute de manière incomplète et un peu abstraite encore, l’importance que pouvait avoir l’information de la population dans le processus de paix en cours. J’avais le sentiment de pouvoir contribuer à cet élan en y apportant mon expérience et ma volonté.
Cette expérience a-t-elle changé votre vision du journalisme et de son utilité ? Si oui dans quel sens ?
JB : Cette expérience a été une démonstration, à une échelle peut-être unique à ce jour, de l’importance du journalisme dans un processus de réconciliation et d’unité d’un peuple. Il me semble que la radio plus que tout autre média a une portée universelle qui tient peut-être au rapport finalement très personnel qu’entretiennent les auditeurs avec les voix des journalistes, au début étrangères et puis familières avec le temps qui passe. C’est presqu’un proche qu’on en vient à écouter, un rendez-vous amical où l’auditeur se rend tous les jours.
Vous avez dirigé la station de Radio Okapi à Kindu, à l'Est de la RDC, en 2004, alors que le pays se préparait difficilement aux premières élections libres de son histoire (qui auront lieu finalement en 2006). Quels exemples concrets et marquants retenez-vous du rôle de Radio Okapi en RDC et de l'utilité de ses informations pour la population ?
JB : Je pourrais en écrire un livre ! Deux exemples puisqu’il faut choisir. Tout d’abord lorsque les représentants du gouvernement de transition sont venus à Kindu, les journalistes de Kindu ont évidemment couvert l’événement et ont interrogé le nouveau gouverneur sur ses priorités pour Kindu et sur ce qui concrètement allait changer dans les mois à venir.
Je voudrais aussi mentionner la crise de Bukavu : alors que la guerre se rapprochait et que la réunification de l’armée semblait compromise, Radio Okapi a informé d’une part Kindu sur ce qui se passait à Bukavu et dans le même temps les journalistes de Kindu ont informé le pays entier sur les événements qui affectaient la région de Kindu elle-même en réponse à ces troubles.
Vous décrivez très précisément dans votre livre le fonctionnement de Radio Okapi à cette époque, les relations entre journalistes et avec la rédaction centrale de Kinshasa, les défis de leur travail au quotidien, les relations avec les responsables des Nations Unies sur le terrain...Qu'est-ce qui vous a le plus marqué du fonctionnement de ce média pas comme les autres ?
JB : J’en retiens finalement deux choses principales. D’abord l’impression d’unité et d’harmonie éditoriales malgré la distance entre les rédactions locales et Kinshasa et la variété des décrochages locaux, un peu comme lorsque vous lisez un grand journal, vous avez l’impression que le même journaliste a tenu la plume sur toutes les pages. Cela démontre l’incroyable effort de professionnalisation qui a été accompli en peu de temps.
Enfin comment ne pas mentionner le sérieux et l’ingéniosité des journalistes d’Okapi pour dénicher et raconter les sujets qui ont fait adhérer la population au projet Okapi?
Qu'est ce qui selon vous, dans cette aventure collective congolaise que vous avez vécue, peut faire écho aujourd'hui pour les audiences occidentales, notamment anglo-saxonnes qui vont lire votre livre ?
JB : Radio Okapi, c’est « l’anti fake news » ou comment le journalisme, professionnel et doté de moyens fait progresser la société.